Pour vous faire une idée des gaz de schiste et vous en présenter une des futures conséquences

Gaz de schiste et karst

Dans le contexte géologique du Massif central, les « gaz de schiste » correspondent aux gaz qui sont contenus principalement dans les schistes « carton » de l’étage Toarcien (» 180 millions d’années) et dans les argiles noires de l’étage Autunien (» 280 millions d’années), qui sont toutes-deux des roches très souvent sous-jacentes et/ou contigües à des massifs karstiques (karst). Un karst est un massif carbonaté (calcaire ou dolomie) dans lequel les eaux, très légèrement acidifiées par la présence de dioxyde de carbone (CO2), par dissolution et à la faveur des nombreuses fractures naturelles (liées au contexte géologique régional), ont façonné au fil des temps de multiples formes (gouffres, grottes, galeries…). Les sols généralement peu épais, associés à la circulation très rapide des eaux dans les formes karstiques, rendent ces massifs tout particulièrement vulnérables à la moindre pollution.

Les gaz de schiste correspondent à de très nombreuses petites bulles de gaz piégées dans les couches géologiques, et ils sont à ce titre dits « non-conventionnels » car ils ne sont pas stockés sous forme de grandes poches « réservoirs » comme dans le cas de la majorité des hydrocarbures actuellement exploités. Leur exploitation s’effectue selon la méthode de fracturation hydraulique, ou «  fracking » en anglais, qui consiste à injecter sous pression (environ 600 bar) dans un forage de grandes quantités d’eau (de 10000 à 20000 m3) associées à de très nombreux produits chimiques (de 50 à 500 m3) ainsi que du sable, de manière à générer un réseau de fractures dans la couche à exploiter en vue de provoquer une coalescence des bulles de gaz et de les regrouper sous forme de poches permettant alors leur extraction. Le forage descend d’abord à la verticale, puis part ensuite à l’horizontale dans la couche à exploiter sur des distances pouvant être kilométriques. Le sable a pour objectif de s’insérer dans les fractures créées afin de les maintenir ouvertes. Seule une fraction, comprise entre 10% et 40% du total des solutions injectées peut être techniquement remontée en surface, pour le reste ….

Au-delà des quantités d’eau considérables et irraisonnées qui sont nécessaires à cette industrie, c’est surtout les impacts qualitatifs de la ressource en eau qui doivent être pointés. Quatre principaux éléments sont susceptibles d’avoir des conséquences sur la ressource en eau (voir la page « karst » du blog), par le biais d’une part des pertes et fuites dans les différents aquifères souterrains, et d’autre part de la gestion complexe du stockage des déchets (solides et liquides) en surface :

1. Les résidus d’hydrocarbures ;
2. Par les brevets qu’elles ont déposés pour les solutions de produits injectées, les  compagnies pétrolières maintiennent sous le sceau de la confidentialité la liste des produits chimiques qu’elles renferment, laissant alors légitimement penser que ces solutions peuvent également dans certains cas servir à se débarrasser de produits indésirables issus de l’industrie pétrolière. Ces solutions contiennent notamment des solvants, des gélifiants, des fluidifiants, des biocides, des inhibiteurs de corrosion, etc.) ;
3. Compte tenu de la nature des terrains qui seront rencontrées dans un grand nombre de forages, les déblais issus des forages contiendront de multiples éléments toxiques (éléments radioactifs, métaux lourds, arsenic etc.), et, une fois remontés à la surface deviendront instables (sous les actions conjuguées de l’eau et de l’oxygène) et formeront des lixiviats particulièrement toxiques ;
4. Piégés depuis très longtemps dans les couches exploitées, des liquides dits « résidents » seront alors également remobilisés. Tout comme les déblais des forages, ces liquides résidents sont naturellement riches en divers éléments toxiques qui deviennent très instables une fois remontés à la surface.

Ces déblais et ces liquides enrichis en éléments toxiques instables, seront de nature comparable aux déchets miniers de l’ancien site de Carnoules, dans le Gard. Les mines (Plomb-Zinc) de Carnoules, dont l’exploitation a définitivement cessé en 1962, ont laissé pour héritage une importante quantité de déchets miniers qui ont été stockés derrière une sorte d’imposant barrage en béton. Une nappe d’eau s’est installée dans ces déblais stockés derrière ce barrage, entraînant une lente lixiviation des déchets miniers et générant ainsi à son exutoire des eaux très riches en sulfates et en métaux lourds (arsenic, plomb, cadmium, cuivre, zinc et fer) et très acides. A la sortie du stérile, les eaux (qui forment celles du ruisseau Reigous) ont un pH pouvant être inférieur à 2 (plus acide que le vinaigre) et des concentrations en arsenic pouvant dépasser les 300 mg/l (soit 3000 fois la norme française de potabilité de l’eau). Jusqu’à sa confluence avec l’Amous (qui lui se jette dans le Gardon) 2 km en aval du stérile, le Réigous est un ruisseau où la vie ne s’y développe presque que sous des formes très particulières telles que les bactéries de type stromatolithique (bactéries primaires, formant des concrétions). En aval de sa confluence avec l’Amous, l’écosystème est toujours fortement perturbé sur plusieurs kilomètres, et cette pollution est décelée jusque dans la mer Méditerranée.

Ainsi, plutôt qu’un long discours, à travers quelques photos de ce qu’est devenu aujourd’hui (et qui va encore le demeurer pour des centaines d’années) le site de Carnoules dans le Gard (cliquez ICI pour voir les photos), je vous laisse juger par vous-même d’une des conséquences que pourrait engendrer l’exploitation des gaz de schiste sur certains forages, et ce, avec ou sans fracturation hydraulique.

Pour plus d’information, je vous invite à visionner la conférence très pédagogique tenue par Séverin Pistre,  Professeur d’hydrogéologie à l’Université Montpellier II, et Michel Séranne, Chargé de Recherche en géologie au CNRS :
http://www.webtv.univ-montp2.fr/6209/gaz-de-schiste-dans-le-sud-de-la-france/

Enfin, s’opposer aux gaz de schiste, au delà de la simple opposition par la négation et dans la mesure de ses possibilités personnelles et de son propre parcours, c’est surtout essayer de prendre ou de poursuivre le chemin vers un autre mode de vie beaucoup plus simple et sobre (cliquez ICI)….

Olivier Hébrard
Docteur es Sciences,
Spécialisé en sciences de l’eau et en agronomie
http://www.olivier-hebrard.eu